Eskenazy, Nathanaël. "L’Inconnu (1720): une réactualisation paradoxale du ballet de cour."

Eskenazy, Nathanaël. "L’Inconnu (1720): une réactualisation paradoxale du ballet de cour." Barbara Nestola und Thomas Soury (Hg.), L’opéra de cour en France (XVIIe-XVIIIe siècle): goût, espaces, pratiques. Actes du colloque, 16-17 juin 2023, Centre de musique baroque de Versailles, publiés dans le Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles No. 26 (2025).

URL: https://journals.openedition.org/crcv/37690 (Open Access)

Résumé:
Attaché aux grands divertissements royaux, célébrant le souverain et la monarchie, le ballet de cour connut son apogée sous Louis XIV avant de décliner : la comédie-ballet et la tragédie en musique finissent par le concurrencer tout en s’abreuvant à sa source. La Régence, grâce au mécénat de Philippe d’Orléans et de la duchesse du Maine, favorise un goût musical nouveau, et cherche à rompre avec les habitudes versaillaises. On pourrait donc s’étonner qu’en cette période un genre aulique, devenu obsolète, pût retrouver une certaine faveur. Comment expliquer un tel retour en grâce ? Le ballet de cour consacre la figure royale tout en définissant une esthétique (musique et danse) qui lui est propre. Or, L’Inconnu repense cet ensemble : la « re-création » de 1720 retravaille les codes du genre, mais en manipulant le paradoxe voire l’équivocité. En premier lieu, l’élévation et la glorification de Louis XV trouvent dans l’art de la danse un medium, et le ballet conserve une portée politique implicite : le prince trouve sa place au sein d’un monde nouveau dont il va bientôt prendre les rênes, où l’on chante l’amour et la jeunesse, où s’entremêlent les tons et les genres. Le ballet de L’Inconnu joue aussi volontiers avec le temps : le passé, car il ressuscite, le temps d’une représentation, les fastes d’une cour disparue ; le présent, par ses nouveautés stylistiques ; le futur, dans la célébration par la danse d’un jeune prince qui attend de régner.

Abstract:
As part of the great royal entertainments, celebrating the sovereign and the monarchy, court ballet reached its apogee under Louis XIV before declining: the comédie-ballet and the tragédie en musique ended up competing with court ballet while drawing on the same material. The Regency, thanks to the patronage of Philippe d’Orléans and the duchesse du Maine, encouraged a new musical taste and sought to break with the habits of Versailles. It may therefore come as a surprise that an aulic genre that had become obsolete should regain a certain popularity during this period. How can such a return to favour be explained? Court ballet consecrates the royal figure while defining its own aesthetic (music and dance). Yet L'Inconnu rethinks this approach: the 1720 ‘re-creation’ reworks the codes of the genre, but by manipulating paradox and even equivocation. In the first place, the rise and glorification of Louis XV found a medium in the art of dance, and the ballet retained an implicit political significance: the prince had found his place in a new world of which he was soon to take the reins, where love and youth were celebrated, and where moods and genres intermingled. The ballet of L’Inconnu also plays with time: the past, as it resurrects the splendours of a vanished court for the duration of a performance; the present, through its stylistic innovations; the future, in the celebration through dance of a young prince who is waiting to reign.